Sentiments primaires

Copine de névroses

J’ai rencontré cette fille il y a quelques mois. Par hasard, sur Instagram. J’ai dû aimer l’une de ses photos, et c’est ainsi qu’elle est venue sur mon compte, et qu’elle m’a dit m’avoir déjà croisée plein de fois dans notre ville, à différent endroits ! Quel hasard ! Et puis de fil en aiguille, on s’est rendue compte qu’on était quasiment voisine. Elle habite à 2 stations de tram de chez moi. Autant dire à côté.

On s’est vu une fois. Le courant est super bien passé. Notre timidité commune s’est même vite envolée. Elle a une voix assez grave, posée, avec parfois un petit accent espagnol qui ressort, sur certains mots. Elle a de la conversation, et semble ouverte d’esprit. Pour ma part, je me suis vite sentie à l’aise. Elle avait l’air de l’être aussi. J’avais l’impression que je pouvais être pleinement moi-même. Sans tenir un quelconque rôle. On a discuté de tout et de rien. On a plaisanté… On a le même style, enfin, plus ou moins. Disons qu’il se nomme pareil x), et, même si elle l’a adopté il y a peu, c’est toujours sympathique. Elle est plus âgée que moi, de 4 années, et j’en ai été surprise car elle fait bien plus jeune. Elle est passionnée par le cinéma, elle voudrait en faire son métier, mais elle est pour l’instant inactive, dû à de nombreux soucis de santé. Elle est assez affaiblie, elle marche avec un déambulateur. Alors je lui ai proposé mon aide en cas de besoin, car elle ne connait personne ici. Étant inactive moi aussi, pour le moment, me rendre un peu utile ne ferait pas de mal. D’où notre rencontre "IRL" d’ailleurs.

Voilà, j’étais contente d’avoir enfin trouvée une amie. Enfin une autre amie. Il y a toujours, bien sûr, l’amie dont j’ai déjà parlé ici, qui est toujours là quand on a besoin d’elle. Mais je ne peux pas la solliciter tout le temps. Je ne le fais presque jamais d’ailleurs.

Toutefois, c’est pas si simple…

Cette fille, bien qu’adorable, est autant névrosée que moi. Si ce n’est plus.

Son rythme de vie est similaire au mien. Elle vit beaucoup la nuit. Mais c’est pire que moi. Pour ma part, j’essaie de ne pas dépasser les 5h pour l’heure du couché (enfin, en ce moment c’est compliqué...), elle, elle se couche sur les coup de 8h du matin. Alors que moi je me lève autour de 14-15h, elle, elle doit se lever… je ne sais pas, vers 18-19h j’imagine.

Comme moi, elle mange peu. Voir même… pas du tout. J’ai vite compris qu’elle souffrait d’anorexie, et elle me l’a confirmé aujourd’hui même. Ce n’était pas difficile à deviner de toute façon. Elle est très mince. Pâle. Cernée. Ainsi, tous ces problèmes de santé doivent venir de là. Elle me disais souffrir de fibromyalgie, mais j’ai appris par la suite qu’elle n’avait eu aucun diagnostique médical sur le sujet. C’est ce qu’elle croit avoir. Ce qu’elle dit aux gens. Ce qu’elle est persuadée d’avoir, car elle a lu des article sur internet, qui correspondent plus ou moins à ses symptômes. Mais on ne s’improvise pas médecin en lisant docticimo…

Elle vit seule, et je sais qu’elle ne sort presque jamais (comme moi...). Elle n’a pas d’ami à voir (comme moi...), alors elle se morfond un peu chez elle (comme moi !!).

Une fois, elle m’a proposé quelque chose : manger un midi ensemble, pour qu’elle puisse enfin prendre un vrai repas. J’ai trouvé l’idée géniale ! Je me suis dis qu’on pourrait s’entraider ! Se motiver à se lever le matin, à sortir dehors et se rejoindre pour manger. S’aider à aller mieux, tout simplement !

Mais… Je sais pas pourquoi, elle s’est vite rétractée. Dans une même conversation. "Bon finalement non, si on se voit, faisons en sorte que ce soit le plus tard possible car je me lève très tard".... Du coup ça m’a déçu. J’étais prête à lui apporter mon aide, ma motivation. Qu’on se sorte de cette état dépressif ensemble.

J’ai proposé plusieurs fois de passer chez elle pour lui rendre visite. Mais elle trouve une excuse à chaque fois. "Pas encore habillée", "toujours dans le lit", "pas encore mangé"... Bref, je n’insiste pas.

Je ne pense pas que c’est parce qu’elle ne m’aime pas. On se parle beaucoup sur Facebook. Pas tous les jours, mais presque. Elle me dit qu’elle aimerais bien me revoir elle aussi. Et puis, elle se confie beaucoup à moi. Elle me dit qu’elle est beaucoup angoissée par différentes choses (comme moi...), elle m’a confié son anorexie, ses problèmes avec son ex qui la maltraitait… Certaines personnes se confies facilement, c’est vrai… peut-être qu’elle aime juste parler d’elle, après tout…

Mais j’ai aussi une autre hypothèse.

Elle ne veut pas s’en sortir. Voilà tout. Elle doit être bien comme ça, finalement. Vivre en décalé. Ne rien manger… Tout le temps seule chez elle, à ne voir personne.

Je lui ai laissé plusieurs signaux pourtant. "Moi aussi je suis comme toi, moi aussi ça, ça m’angoisse", "moi aussi j’ai du mal à manger", "moi aussi je me morfond seule chez moi". Mais je ne sens pas cette envie de m’aider. Je ne sens pas qu’elle puisse m’apporter l’aide que moi je pourrai lui fournir.

C’est triste.

Je veux tellement m’en sortir. J’ai juste besoin d’un phare. Un phare qui me guide dans cette mer de pétrole. Quelqu’un qui me tende la main. Qui m’aide à me relever, qui m’empêche de me noyer. Seule je n’y arrive pas.

Mais personne ne tient ce rôle… Je ne trouve personne qui puisse le tenir. Non, je ne suis entourée que de gens dépressifs, ou qui ont leurs problèmes, eux aussi.

Je ne vois plus qu’une seule solution. Un psy. Mon homme à commencé ses séances d’ailleurs, pour enfin chasser ses démons.

Moi aussi je dois chasser les miens. Tous. Tous ceux qui me hante la nuit. Surtout la nuit…
Tout cet entrelacs de pensées, tout ce déversement d’angoisse, toute cette noirceur qui me suis depuis toujours.

Que je puisse enfin dormir… paisiblement.

(Image : projet de l’artiste Shawn Coss dans le cadre de #inktober --> Lien vers les autres œuvres)